Depuis des années, les nutritionnistes nous disent que le petit déjeuner devrait représenter le quart des besoins énergétiques pour une journée. Il permettrait de brûler des calories, prévenir l’obésité et lutter contre le diabète. Mais qu’en est-il vraiment ? Faut-il s’obliger à manger le matin si on n’a pas faim ? Est-ce mauvais pour la santé de
s’en passer ?
Les bonnes raisons de prendre un petit déjeuner
Bâclé entre un réveil rapide et un départ précipité au travail ou à l’école, vous voulez peut-être l’expédier en vitesse, ou même vous en passer. Pourtant, le dernier plan national nutrition santé1 indique que le petit déjeuner devrait couvrir près du quart des apports quotidiens recommandés en nutriments essentiels et en besoins énergétiques. En rompant le jeûne de la
nuit, le petit déjeuner permet de réhydrater l’organisme et reconstituer les réserves en nutriments indispensables au bon fonctionnement cérébral et musculaire.
Un impact positif sur les performances intellectuelles
Le petit déjeuner, s’il contient les aliments adéquats, aurait un impact positif sur la mémoire et les fonctions cognitives (temps de réaction, réceptivité...).
Si vous ne prenez pas de petit déjeuner, en fin de matinée vous pourriez ressentir une perte d’attention ou de concentration, ou encore vous sentir
fatigué et moins productif. C’est le fameux «coup de barre» de 11 heures. En effet, l’organisme qui a jeûné pendant la nuit (une dizaine d’heures se sont écoulées entre le repas du soir et celui du réveil) a besoin de faire le «plein d’énergie ». Il faut savoir que même au repos, le corps continue de dépenser des calories2 pour assurer les battements du cœur, la respiration, le renouvellement des cellules. Les apports nutritionnels de la veille sont épuisés, il faudrait donc les reconstituer pour «recharger les batteries».
Ce premier repas de la journée est d’autant plus important chez les enfants en pleine croissance, les adolescents, les femmes enceintes et les seniors.
Davantage de risques sans petit déjeuner ?
Des chercheurs ont montré que sauter le petit déjeuner multiplierait par 4,5 le risque d’être en surpoids3, et serait associé à un risque accru de mortalité par maladie cardiovasculaire, avec plus de risques de faire un infarctus4. Une méta-analyse5 (synthétisant le résultat de plusieurs études) menée en 2019 indique que le fait de faire l’impasse sur le petit déjeuner accroit aussi le risque de développer un diabète de type 2, en lien avec l’IMC6.
Ces résultats sont entre autres liés au fait qu’un petit déjeuner vous évite de vous ruer en fin de matinée sur un paquet de chips, de gâteaux ou le distributeur automatique de snacks !
Ne pas prendre de petit déjeuner convient très bien à certaines personnes, qui ne ressentent pas de coup de barre à 11h et ne compensent pas par un grignotage. S’il est bien fait, le jeûne intermittent peut très bien vous convenir (voir plus loin).
Essentiel en chrononutrition
Mise au point en 1986 par le docteur Alain Delabos, nutritionniste, la chrononutrition est fondée sur le principe de l’horloge biologique du corps. Cette approche alimentaire est recommandée
en prévention du surpoids et chez les seniors (pour lutter contre le vieillissement, les troubles digestifs, la fatigue…). Elle met l’accent sur la consommation
de protéines le matin, de glucides complexes le midi et de graisses insaturées le soir. Cela permet à l’organisme de fournir l’énergie et les nutriments dont il a besoin tout au long de la journée.
La chrononutrition ne convient pas à tout le monde : il faut être rigoureux tous les jours et respecter des horaires, cela vous oblige à modifier vos habitudes alimentaires. Cette méthode peut générer de la constipation en raison d’un faible apport en fibres et fatiguer les reins, c’est
pourquoi elle est déconseillée si vous avez des problèmes rénaux. Dans tous les cas,
demandez conseil à votre médecin pour déterminer si elle vous est adaptée.
Exemple de petit déjeuner en chrononutrition
: un œuf à la coque, une tranche de pain complet ou semi-complet au levain (pour ne pas déclencher un pic d’insuline) sur laquelle vous tartinez du fromage de chèvre, une purée d’oléagineux (amande, noisette) ou un avocat avec un filet d’huile de noix.
Comment réaliser un bon petit déjeuner ?
Le petit déjeuner n’est pas une question de quantité (à adapter à votre appétit) mais plutôt un choix de qualité. Composez-le en fonction de vos besoins, vos envies et de vos activités prévues dans la journée.
Une boisson pour réhydrater et réveiller l’organisme
Même si vous ne mangez pas le matin, buvez un verre d’eau, un jus, une infusion (de guarana par exemple, qui donne un coup de fouet au réveil), une tasse de thé ou de café (préférez-le
100 % arabica pour éviter les aigreurs d’estomac). Pour varier, essayez le maté7 qui renferme aussi de la caféine (stimulant du système nerveux central), de la théobromine (cardio-stimulant et vasodilatateur) et de la théophylline (psychostimulant).
Si vous ne désirez pas de caféine, prenez de la chicorée. Versez une cuillère à café de chicorée moulue dans 125 ml d’eau chaude, ou infusez cinq minutes une cuillère à soupe de grains
torréfiés dans 25 cl d’eau, ajoutez-les dans le filtre de votre percolateur.
Soyez vigilant
si vous êtes allergique à l’inuline8, car elle en contient.
La chicorée est une bonne alternative au café
Sucré ou salé ?
Évitez un petit déjeuner sucré car le sucre est mal assimilé : si vous mangez une brioche, des céréales, des viennoiseries ou un jus de fruits (qui ont tous un index glycémique haut), votre glycémie
va augmenter plus rapidement. Et une hausse rapide précède une chute rapide, c’est ce que l’on appelle une hypoglycémie réactionnelle. Pour compenser, le corps va augmenter le taux de cortisol, ce qui va entrainer plus de compulsions alimentaires.
En mangeant sucré le matin, vous aurez donc des pics d’hypoglycémie en milieu de matinée, entrainant une baisse de concentration, de la fatigue et vous incitant à grignoter.
Privilégiez un petit déjeuner salé car il rassasie durant plusieurs heures. Pour éviter le risque de grignotage avant le déjeuner, troquez votre pain/beurre/ confiture par des aliments riches en
protéines végétales ou animales : oléagineux (et purée d’oléagineux comme la purée d’amandes), œuf, portion de fromage, jambon, saumon. Un apport en protéines9 au petit déjeuner prévient le risque de fringale en milieu de matinée et favorise la production de dopamine, un neurotransmetteur qui va stimuler l’éveil.
Composez-le d’un thé vert aux vertus antioxydantes, d’un morceau de fromage, d’une tranche de pain aux céréales complètes (pour son index glycémique bas et son apport en vitamine B9 qui contribue à la réduction de la fatigue), d’un œuf à la coque pour son apport en vitamine B12 (utile pour les neurones) et sa lécithine (indiquée pour le cerveau). Vous pouvez consommer
des œufs même si vous avez les intestins ou l’estomac fragiles. En effet, ils ne contiennent pas de fibres et leurs graisses sont digestes. Pour varier, prenez une tranche de jambon (source en
sélénium et vitamine B1 indispensable au bon fonctionnement du cerveau et du système nerveux). Ajoutez-y un avocat, une excellente source en anti-oxydants : vitamine E et tyrosine, utile pour diminuer le stress, favoriser la concentration et les fonctions cognitives.
Privilégiez les œufs à la coque,
mollets ou pochés
Au moins un fruit !
Même si vous n’avez pas le temps ni l’envie de prendre un petit déjeuner, prenez au moins un fruit pour fournir les fibres essentielles à votre transit intestinal. Choisissez-le de saison, de préférence bio et frais pour profiter au mieux de ses qualités nutritionnelles. Nous vous conseillons au choix :
• quelques grains de raisin, riches en vitamines et minéraux ;
• deux figues, une source d’énergie rapidement disponible ;
• une pomme, un coupe-faim remarquable;
• un kiwi ou une orange, pour leur richesse en vitamine C ;
• une banane, une bonne source de vitamine B6, qui aide à la synthèse de certains neurotransmetteurs comme la sérotonine ;
• une poignée de baies de goji, un excellent stimulant qui vous sera d’un grand secours en cas de fatigue passagère, de stress ou de surmenage.
Si vous n’avez pas de fruit sous la main, prenez une compote mais sans sucres ajoutés ou buvez un jus de fruit, sans dépasser un verre par jour10, compte tenu de sa forte teneur en sucres simples. Ne prenez pas n’importe quel jus ! Le terme « pur jus » garantit que le jus n’est
pas reconstitué à partir d’extraits concentrés.
C’est la version la plus proche du vrai fruit. Ce jus est obtenu uniquement par simple pressage de fruits, sans adjonction d’eau, ni sucre ajouté, ni colorant, ni conservateur. Les fruits sont donc pressés et mis en bouteilles immédiatement.
Attention, « 100 % jus de fruits » ou « 100 % teneur en fruits » (le plus souvent un jus de fruits à base de concentré) ne signifient pas 100 % « pur jus ». Le « 100 % pur jus fruits frais » que vous trouvez au rayon frais est le plus naturel et celui qui se rapproche le plus du jus de fruits maison car il a subi le moins de transformation (aucun traitement thermique). Évitez le jus pasteurisé car il subit un traitement thermique : ses qualités nutritionnelles et gustatives sont altérées avec une teneur moindre en vitamines et minéraux (par exemple 50 % de moins de vitamine C).
Sept idées de petit déjeuner
Voici sept recettes de petits déjeuners originaux et équilibrés :
1. Le peu calorique : quelques rondelles de concombre (reminéralisant et peu calorique), un morceau de fromage de chèvre avec une tranche de pain aux céréales, un fruit frais de saison et une tasse de thé vert matcha. Des travaux
indiquent que les flavonoïdes associés à la théine du thé vert réduisent les envies irrésistibles de grignoter entre les repas, ce qui a un impact positif sur
la régulation de l’appétit11.
2. Le coupe-faim : buvez un jus de fruits frais et incorporez une cuillère à soupe de graines de chia à un yaourt ou vos céréales. Faites-les tremper une dizaine de minutes pour les rendre plus digestes. Riches en fibres, protéines, vitamines (E, groupe B...), acides aminés essentiels et acides gras
(oméga-3, oméga-6), elles sont un excellent coupe-faim (pouvant absorber jusqu’à 15 fois leur poids en eau). Complétez par un croquant à l’avoine.
3. Sans caféine : deux biscuits à l’épeautre , un verre
de jus de raisin bio et un yaourt pour son apport en
calcium et probiotiques (alliés de votre microbiote
intestinal). Essayez le yannoh, une alternative au café sans caféine, produit à partir de céréales torréfiées (seigle,
froment, orge), de chicorée et de pois chiches torréfiés. Les céréales sont grillées à basse température (pas plus de 80 °C) et plus longtemps qu’avec les
grains de café. Préférez-le bio. N’en prenez pas si vous êtes allergique au gluten.
Certaines marques en proposent sans gluten (éliminé au cours de la fabrication) comme Yannoh « Instant » de Lima.
4. Le vitaminé : un jus de carotte riche en potassium et vitamines (A, C, B6). Ajoutez une
cuillère à soupe de son12 d’avoine bio dans un yaourt ou une compote : idéal pour mettre la pédale
douce sur les grignotages intempestifs. Préférez-le bio (label AB) et fabriqué en France. Sans germe, il est moins calorique, pauvre en sel, plus digeste et avec une faible teneur en graisses saturées. Vous pouvez aussi faire un porridge avec des flocons d’avoine13
5. Le grec salé :
prenez une portion de fromage de brebis et/ou chèvre (type feta), additionné d’une cuillère à soupe de miel, un demi-melon ou deux figues selon la saison, et un café ou un thé.
6. Le scandinave riche en oméga-3 :
du saumon fumé sur un cracker tartiné de beurre aromatisé à l’aneth, avec du fromage à pâte cuite sur une tranche de pain de seigle et une tasse de thé.
7. Le brésilien fruité : un café brésilien acidulé, du fromage blanc et beaucoup de fruits (papaye, ananas, noix de coco, banane).
Les pièges à éviter
Méfiez-vous des biscuits (renfermant la plupart du temps des additifs indésirables) et des céréales souvent trop sucrées ou à l’inverse trop salées (un risque pour la tension et pouvant favoriser la rétention d’eau). Préférez des céréales complètes non sucrées ou un müesli (müesli bio aux raisins sans sucres ajoutés.
Ne consommez qu’occasionnellement des viennoiseries car elles sont grasses (9 g de lipides par croissant) et sucrées (23 g de glucides par croissant)14.
N’abusez pas du beurre : 10 à 15 g par jour est une dose raisonnable, sans danger pour le cœur et les artères. Préférez-le cru, « en baratte », labellisé ou en direct de la ferme. Évitez les beurres allégés qui compensent la diminution des matières grasses par l’ajout d’additifs afin d’améliorer leur texture, de rehausser leur goût, de retarder l’oxydation pour qu’ils ne rancissent
pas. Si vous désirez de la margarine, prenez-la si possible biologique, aux huiles végétales non hydrogénées comme l’huile de tournesol, lin, colza...
Et si vous n’avez pas faim le matin ?
Inutile de vous forcer si vous n’avez pas envie de prendre un petit déjeuner. Il n’y a aucune obligation d’ingérer des calories dès le matin !
Certains pratiquent le jeûne intermittent (qui consiste à alterner les prises alimentaires
avec des périodes de restriction plus ou moins longues), ce qui suppose de sauter le petit déjeuner. Associée à la pratique régulière d’une activité physique, l’absence de petit déjeuner lors d’un programme de jeûne intermittent aurait un impact positif sur certains biomarqueurs (glycémie sanguine, concentration d’insuline), et diminuerait la masse grasse15. Une étude anglaise de 201916 suggère que le jeûne intermittent permettrait au corps d’utiliser les graisses plutôt que le glucose de l’organisme pour avoir de l’énergie, ce qui engendrerait une plus grande résistance au stress et l’incidence réduite des maladies.
Les bénéfices du jeûne intermittent sur la santé sont aussi présents si vous sautez le repas du soir, ce que nous vous recommandons.
Le jeûne intermittent ne convient pas à tout le monde, et il est à éviter si vous êtes enceinte, si vous allaitez ou si vous êtes sujet à la constipation car il ne fait qu’aggraver ce problème. Sachez que plus le temps de jeûne est long, plus la concentration de ghréline (hormone régulant
l’appétit) augmente et plus celle de l’insuline diminue. Cela vous donnera plus faim et vous poussera à grignoter davantage une fois que vous avez rompu le jeûne.
Attention également aux régimes trop restrictifs, car si vous avez un apport énergique insuffisant, cela peut dérégler le bon fonctionnement de votre organisme. Quant aux adeptes des monodiètes, il est tout à fait possible de consommer le même aliment, comme du raisin par exemple, durant deux à trois jours consécutifs, et remplacer votre petit déjeuner habituel par un jus de raisin et des grains de raisin. Cette cure doit être occasionnelle (une fois par an au début de l’automne pour le raisin par exemple).
Rose Fournier
Le Bon Choix Santé
1. PNNS 4 : 2019-2023
2. C’est la dépense énergétique au repos
3. Interview de Florence Rossi - Association française des diététiciens nutritionnistes (AFDN) - 9 septembre 2011
4. Rong S. et al. « Association of skipping breakfast with cardiovascular and all-cause mortaly » - Journal of the American College of Cardiology - 2019
5. Ballon A. et al. « Breakfast Skipping Is Associated with Increased Risk of Type 2 Diabetes among Adults : A Systematic Review and Meta-Analysis of Prospective
Cohort Studies » - The Journal of Nutrition - 2019
6. Indice de masse corporelle
7. 5,95 € les 100 g de yerba maté bio sur bioptimal.fr
8. Glucide voisin de l’amidon présent dans la chicorée
9. Ratliff J. « Consuming eggs for breakfast influences plasma glucose and ghrelin, while reducing energy intake during the next 24 hours in adult men » - Nutr. Res. -
2010
10. PNNS 4 : 2019-2023
11. Kreydiyyeh S.I. et al. – « Tea extract inhibits intestinal absorption of glucose and sodium in rats » - Comp. Biochem. Physiol. C. Pharmacol. Toxico Endocrinol, 1994.
https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/7677829
12. Le son d’avoine est la cosse du grain.
13. Les flocons d’avoine sont les grains nettoyés, cuits à la vapeur, écrasés puis séchés.
14. Croq-kilos.com
15. Moro T. et al. - « Effects of eight weeks of time-restricted feeding (16/8) on basal metabolism, maximal strength, body composition, inflammation, and
cardiovascular risk factors in resistance-trained males » - Clinical Triad – J Transl Med - 2016
16. De Cabo R. et al. « Effects of intermiottenbt fasting on health, aging, and disease » - N Engla J Med - 2019
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